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écrit par Virginie Landry
photos par Émilie Lapointe
Viviane Audet est, sur scène, une vision éthérée. La musicienne fait glisser ses doigts sur les touches de son piano envoûtant avec chaque note un public totalement sous le charme de ses douces créations. Le piano et le torrent, son plus récent album instrumental qu’elle trimballe d’un bout à l’autre de la province devant des salles combles, se consomme tel un câlin qui fait du bien.
«J'aurais dû me douter que c'est vers la musique instrumentale que je devais aller», admet la compositrice et interprète de 43 ans qui a d’abord eu une belle carrière au petit écran (Rumeurs, L’héritière de Grande Ourse, Minuit le soir), puis en composant la musique de film (Camion, Les rois mongols, Arseneault et Fils). «C'est évident que le public avait le goût de piano solo», en convient-elle maintenant face au succès de son récent opus, soulignant au passage la popularité d’autres artistes contemporains néo-classiques ayant pavé la voie comme Alexandra Stréliski ou Jean-Michel Blais.
Bien que le piano ait toujours fait partie de sa vie, il aura fallu qu’elle traverse une tempête avant de s’y consacrer pleinement.
Mai 2021. Dolorès, la grand-maman de Viviane, décède d’un cancer. « Mes parents venaient de se séparer, ils allaient vendre la maison familiale », ajoute-t-elle. Prise dans un tumulte émotionnel, elle se lance un défi : composer une pièce par jour pendant 30 jours. Pas pour rendre hommage à quoi que ce soit. Simplement pour survivre.
C’est a posteriori qu’elle réalise que la musique qui lui chatouillait le bout des doigts était en fait sa façon bien à elle de s’accrocher au territoire, à l’endroit qui l’a vu naître, grandir et s’émanciper. L’endroit qui, à coups de deuils, s’effaçait tranquillement de sa vie : le petit village de Maria, en Gaspésie.
Les pièces de l’album font toutes référence à cette municipalité de la Baie-des-Chaleurs. Qu’on en comprenne le sens ou non, rien n’empêche de trouver ses propres repères en ses mélodies. « Le fait qu'il y ait une absence de mots sur l’album, l’auditeur peut y apposer sa vie, son histoire », explique Viviane, fière de voir que sa musique s’immisce dans le quotidien des gens, que ce soit à l’hôpital, dans le trafic, au travail ou à la maison.
«Je suis plus quelqu’un de torrentiel. J’ai un petit côté plus fougueux que tout en douceur.» Rien comme la musique pour mettre du beau à travers la tourmente, petite ou grande.
C’est également un moment-torrent qui a introduit le piano dans la vie de la jeune Viviane, à 8 ans. « C’était lors d’un party de famille. Je jouais au Nintendo avec mon cousin », se souvient-elle. Soudainement, elle perd connaissance et doit être amenée à l’hôpital. Elle reçoit un (faux) diagnostic d’épilepsie qui la rend hyper anxieuse. Elle apprendra deux ans plus tard que c’était un épisode anecdotique de crise convulsive.
Entre-temps, la petite Viviane est stressée. «J’ai peur de faire des crises d’épilepsie, mes parents ne savent plus quoi faire pour me réconforter», raconte-t-elle. Son père, chanteur à ses heures, l’amène suivre des cours de piano chez Mme Cyr, la femme qui l’accompagnait musicalement lorsqu’il se donnait en spectacle lors de soirées festives gaspésiennes. «C’était censé me faire du bien… et ç’a marché.»
Bien que Viviane Audet ait un coup de foudre immédiat pour le piano et s’y consacre à corps perdu — «J’aimais jouer vite, j’aimais jouer fort. Ça me défoulait.» — elle ne rêve pas de devenir pianiste, mais plutôt comédienne. Patiente, sa passion pour le piano l’attendra jusqu’à sa trentaine, moment où sa carrière télé ralentit et sa réputation musicale se bâtit.
Est-elle nostalgique de sa vie d’actrice ? «Tellement pas», admet-elle franchement. «Le jeu, je le fais maintenant à ma façon en spectacle».
Sur scène, Viviane Audet offre un récit pianistique immersif à son auditoire. «Je les amène à Maria», déclare-t-elle les yeux brillants. Un voyage organisé au coeur des nombreux torrents ayant ponctué la création de sa musique. L’humour trouve sa place à travers tout ça, la poésie aussi.
Parce que la musicienne, qui avoue avoir l’impression que pendant des années la musique classique sembla être réservée à une classe élitiste, prône plutôt le plaisir de jouer et l’accessibilité de son art.
Elle coanime d’ailleurs avec le grand Grégory Charles la toute première saison de Piano public, une compétition provinciale de piano diffusée sur Télé-Québec. «On est tous animés par la même passion», a-t-elle remarqué avec admiration au fil des tournages. «Et dire que j’ai déjà eu peur d’être plate parce que ma musique n’avait pas de mots».
Doutes entièrement dissipés.
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janv. 26Théâtre Alphonse-Desjardins